MAD MAX

De la poussière du désert de Fury Road à la scarification tribale des War Boys, quelle est la place de la beauté dans un monde devenu fou ?

Dans la rubrique Maquillage de cinéma, des experts décryptent les looks des films les plus attendus du mois

Quarante-cinq ans après la destruction du monde, la Terre est un endroit dangereux et poussiéreux. La civilisation s'est effondrée. Elle a laissé place à une dictature médiévale gouvernée par le Seigneur de la guerre. Mi-homme mi-monstre, Immortan Joe est à la tête d'une armée tribale de War Boys. Pour autant, personne n'a sa place ici, et chaque homme et chaque femme doit se battre pour survivre au quotidien.

Alors que l'on commence à se demander quelle est la place de la beauté dans un monde pareil, notre héroïne, une renégate nommée Furiosa, entre en scène. Elle s'est fixé pour mission solitaire de mettre fin au régime de terreur du Seigneur de la guerre. Crâne rasé, regard cerclé de khôl... Même le sable du désert qui lui sert de camouflage ressemble à du fond de teint texturé. Dans le film figurent également les Cinq Épouses, un groupe de jeunes femmes au teint nacré emprisonnées par le Seigneur de la guerre dans l'espoir de concevoir un héritier en bonne santé.

« Furiosa a vécu dans un monde d'hommes. Cela faisait probablement des années qu'elle dissimulait le fait d'être une femme », décrypte la conceptrice du maquillage Lesley Vanderwalt, qui avait aussi travaillé sur Mad Max 2 : Le Défi en 1981. « Mais en tant que guerrière, elle a dû se battre encore mieux que n'importe quel autre War Boy. Son personnage me rappelle d'ailleurs cette citation : "Nous avons accompli les mêmes choses, mais en talons aiguilles." »

Motion Picture Artwork and Photography © 2015 Warner Bros. Entertainment Inc. Tous droits réservés

On peut aussi trouver une beauté singulière chez les War Boys, dont le corps est gravé de « scarifications » complexes, sortes de fresques de cavernes tribales exprimant le déclin de leur humanité. Ce look, Lesley Vanderwalt l'a emprunté en partie à l'imagerie tribale et religieuse.« Leur apparence indiquait leur position ou leur statut au sein de cette société, explique-t-elle. Les meilleurs guerriers, qui avaient jusqu'ici survécu à la folie, étaient généralement un peu plus âgés et supérieurs. »

« Lorsqu'ils n'étaient pas occupés par leurs petits trafics ou l'entretien de leur véhicule, que faisaient les War Boys ? », s'est-elle donc demandé. « Sans téléphone, nourriture ou boisson pour se distraire, ils devaient s'auto-mutiler en se gravant des œuvres simples sur la peau pour tromper l'ennui, comme des dessins des cavernes. Après réflexion, nous avons convenu que les tatouages étaient devenus trop communs à notre époque. Il fallait donc aller un peu plus loin... Aborigènes, Africains et Polynésiens ont, au cours de leur histoire, pratiqué la scarification à l'aide d'outils et de matériaux qu'ils avaient à disposition. »

« Sans téléphone, nourriture ou boisson pour les distraire, ils devaient s'auto-mutiler en se gravant des œuvres simples sur la peau pour tromper l'ennui, comme des dessins des cavernes. »   La maquilleuse Lesley Vanderwalt 

 

Avec leurs yeux creux et leur corps d'une pâleur cadavérique, les War Boys semblent attirer la mort elle-même et devoir négocier avec la faucheuse la moindre respiration. Et pourtant, leur attitude reste déterminée. Leur Seigneur de la guerre leur ayant promis la vie éternelle en échange d'un acte de violence kamikaze, ils ont peu de choses à espérer de la vie. Pour eux, il n'y a pas de plus grand honneur que de mourir en son nom.

Derrière le trait d'eye-liner pour homme, leurs yeux de squelettes ont été inspirés par les plus grands rockeurs : « Keith Richards, Alice Cooper, Ozzy Osbourne, Marilyn Manson, Johnny Depp, le style emo… et même Elvis ! », précise Lesley Vanderwalt. Pour imaginer la contre-utopie artisanale de Fury Road, les auteurs se sont également inspirés du festival Burning Man et du style rétrofuturiste culte. « De la même manière qu'ils le faisaient pour leurs véhicules, ils se décoraient eux-mêmes. Un sentiment d'appartenance à une famille dysfonctionnelle et malsaine... Ils ne confiaient leur vie ou leur véhicule à personne. Ils ne possédaient que des choses étranges, qu'ils avaient récupérées dans le Wasteland après une tempête et précieusement conservées. »

Le meilleur « produit » de beauté dans un monde pareil ? L'eau, bien sûr, le bien le plus rare et le plus précieux ! Alors qu'il en distribue une maigre ration, le Seigneur de la guerre grommelle d'ailleurs : « Ne t'y habitue pas trop ». C'est la fontaine de la vie. Cela rappelle que pour être beau de l'intérieur, il faut boire. Et que nous devons être reconnaissants de vivre dans un monde où nous pouvons le faire.

LES INSTANTS DE MAQUILLAGE DE CINÉMA : NE RATEZ PAS...

  • Furiosa préparant sa bataille avec une traînée d'huile moteur foncée et brillante sur le front
  • Les longs membres des Cinq Épouses brillant comme s'ils avaient été huilés avec de la poussière d'ange après une douche au tuyau d'arrosage sous le soleil du désert
  • Les lèvres argentées des War Boys kamikazes qui hurlent « Valhalla ! » au cours d'une bousculade pour accueillir leur créateur